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7 septembre 2020 1 07 /09 /septembre /2020 07:35

La course au financement

 

Il est impossible, théoriquement et pratiquement, de chiffrer le coût pour les états de la crise liée au coronavirus, et d'ailleurs cela n'a que très peu d’intérêt. Mais on se doute bien qu'il est astronomique, pour ne parler que de l'impact économique, et en mettant de coté les autres conséquences qui entraînent aussi d'autres coûts. Ce serait une discussion académique s'il n'y avait pas à financer ces dépenses. Or nous nous retrouvons devant une situation habituelle, la récession économique entraînant d'une part une baisse des recettes de l'état, et d'autre part un gonflement des besoins, comme on l'a déjà détaillé. Auparavant, il était difficile d'arriver à l'équilibre budgétaire, la nouvelle situation est encore plus compliquée et semble sans issue. Cependant, il bien trouver des réponses, aussi bancales soient-elles, pour que la vie continue. A vrai dire, cela ne semble pas perturber beaucoup de monde, la bonne santé des marchés boursiers en témoigne. En fait, cette bonne santé témoigne surtout de l'existence sur le marché de liquidités abondantes dont l'origine, si elle n'est pas mystérieuse, reste problématique.

Et curieusement, c'est un point dont on parle très peu, c'est à dire autant que d'habitude. Il est évident pour tous que l'on trouvera, comme dans les crises précédentes, les solutions de financement nécessaires, objet de dures tractations sur le moment, mais dont on ne reparlera plus après. Voit-on des symptômes de crise budgétaire dans la vie courante liés aux nouveaux besoins du coronavirus? Non, les grandes dépenses ne semblent pas affectées (en apparence tout au moins, car on sait que les ministères n'ont jamais les moyens nécessaires), et l'on ne sent pas de restrictions particulières par exemple sur les dépenses militaires, le train de l'état ou la politique étrangère. On ne voit personne à la télévision stressé par le manque de moyens. Alors, d'où vient l'argent ?

Les pistes habituelles d'accroissement des recettes par la fiscalité ne marchent pas. Dans la situation actuelle, augmenter les impôts n'est pas d'actualité. Tous les dirigeants l'assurent. Et puis il faut reconnaître que le rendement de nouvelles taxes ne serait jamais à la hauteur des besoins. L'argent ne peut pas venir de là.

Des décades plus tôt, il y avait l'utilisation de la planche à billets, l'émission de monnaies nationales, dont l'abus entraînait l'inflation et la dévaluation. Aujourd'hui c'est très mal vu, et techniquement difficile. Depuis, on a trouvé des moyens plus sophistiqués de faire la même chose sans qu'il n'y paraisse. Des institutions s'en chargent, et les gouvernements s'en frottent les mains. Les banques centrales, soucieuses de contrer la récession, distribuent des crédits. Techniquement, ce n'est pas de l’émission de papier. Dans les faits, cela revient un peu au même.

En fait, la masse monétaire monte surtout par les nombreux systèmes de crédit. Au début, c'étaient les banques qui avaient ce pouvoir, en accordant des prêts aux agents économiques, les taux d’intérêt reflétant l’équilibre entre l'offre et la demande. Mais elles ont la désagréable contrainte d’être forcées à des ratios et elles ne peuvent pas faire directement n'importe quoi. On aura donc recours, pour financer les individus, à ces innombrables réseaux de cartes de crédit, qui s'appuient éventuellement l'un sur l'autre pour générer des financements court terme. Il y a aussi des organisations internationales comme la banque mondiale ou le FMI qui ont aussi ce pouvoir au niveau du financement des états, mais ne me demandez pas d'où vient l'argent. Je suis toujours perplexe devant le fait que, malgré des besoins et des tirages toujours croissants en quantités impressionnantes, les taux restent bas. On dit qu'il y a beaucoup de liquidités sur les marchés, mais d’où viennent elles ? En fait le système d'émission de moyens de paiement a inventé quantité de nouveaux artifices, comme les cartes de crédit maintenant émises par des entreprises, des crypto-monnaies comme le Bitcoin qui a fait des émules, et toutes sortes de titres plus ou moins recommandables. Il est d'ailleurs remarquable que très dernièrement, le gouvernement chinois, c'est à dire le responsable de la plus grosse économie du monde, a annoncé adopter une crypto-monnaie comme monnaie officielle (à l'instant où j'écris je n'ai pas plus de détails). Bref, aujourd'hui, il me semble impossible de faire un état des lieux, et de déterminer ni la masse réelle de valeurs en circulation ni son évolution. En réalité, notre argent a définitivement perdu tout rapport avec des biens physiquement palpables qui le cautionneraient. Cela ne perturbe personne, le besoin de confiance s'impose.

Mon propos ici est d'essayer de comprendre comment un tel système alambiqué pourra réagir à la formidable demande additionnelle de ressources résultant de la crise du coronavirus. Je crois qu'il résistera comme d'habitude, faute de mieux. Pour l'instant personne ne se pose la question puisque les recettes laxistes ont marché jusqu'à présent et que l'important est de continuer à tourner. Il n'y a pas d'inquiétude particulière, les bourses fonctionnent. Les taux d’intérêt ne bougent pas, on ne demande pas leur avis aux petits épargnants. Seul l'or, valeur refuge par excellence, a dépassé des niveaux records à plus de 1.930 dollars l'once, témoignant de la nervosité de certains. Mais sinon, les gens manipulent des billets de banque, des cartes de crédit, sans se poser de questions. Ils en ont l'habitude. Il est peu probable que tant de turbulences en amont les inquiète. Mais sait-on jamais ?

*

* *

Chaque pays a créé ses propres plans de redressement, en marge du budget qui existait pour 2020, et ces mesures seront donc financées par de l'endettement supplémentaire. Il semble qu'il suffit de le dire pour le faire. Nous avons aussi vu l'Union Européenne adopter des mesures d'aide aux États-membres, un afflux de financements dont on ne veut pas savoir comment ils seront remboursés. Depuis 2008, le monde n’arrête pas de mettre en place des crédits dans des montants considérables pour se tirer d'affaire. Et pourtant ça a marché, la possibilité de tirer toujours plus semble manifestement possible. Pour un seul pays, cela est très compliqué, on enverra quantité d'experts et on expliquera qu'il n'est pas possible de continuer ainsi. S'il s'agit de tous, la question ne se pose plus. En fait, tout le monde est persuadé que personne ne remboursera jamais rien, tant que cela dure, on en profitera. Mais on doit se douter que cette situation de la manne divine s’achèvera un jour, probablement dans la douleur. Ce n'est pas de l'inconscience, c'est de la survie politique au jour le jour.

Ce qui vient d'être dit est vrai pour les pays riches et capables de maîtriser ces circuits. Il est bien connu que l'on ne prête qu'aux riches. Les pays les plus pauvres n'ont pas cette capacité, embourbés qu'ils sont dans leur sempiternel endettement. Il ne leur reste plus qu'à suivre leurs protecteurs habituels ou à en trouver d'autres. La Chine sera toujours là pour les comprendre, et bien d'autres pays sont sur les rangs pour les aider, sous l'étiquette de la coopération. Et puis, devant l'évidence, les pays éternellement défavorisés bénéficient parfois de mesures d'effacement de la dette. Ce n'est pas du néo-colonialisme, c'est une manière de tourner des pages pourries et de recommencer.

Pour tous les pays, donc, la crise économique liée au coronavirus – baisse de l'activité et augmentation des besoins – va faire exploser un endettement déjà colossal. Devant l'urgence sanitaire, nul ne veut y penser pour l'instant. On y viendra un jour, à la charge de nos descendants.

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Cette nouvelle crise de la finance liée au coronavirus, s'ajoutant aux précédentes, a encore une fois fait prendre des mesures que l'on pourra considérer comme la fin de l'ancien concept vertueux de gestion de père de famille. Avec le besoin de voler au secours de tous les acteurs, personnes au chômage, entreprises défaillantes, pays ruinés, les bonnes résolutions disparaissent spontanément, et je crois que tout cela reste légitime. Le seul problème pour moi est que l'on explique chaque fois que l’excès des dépenses (et donc des financements et de l'endettement correspondant) sera rapidement résorbé grâce à la croissance future. Or dans notre cas, la crise sanitaire, si elle est mieux contrôlée après six mois de tâtonnement, n'est pas terminée, et il est peu sage de compter sur la croissance future pour justifier nos dépenses actuelles. En fait, nul ne sait combien de temps cette pandémie va encore sévir, on ne sait pas si les vaccins en cours de fabrication seront efficaces, et surtout si ils empêcheront l'apparition de nouvelles souches du virus contre lesquelles ils seront impuissants. Il y aura certainement aussi d'autres catastrophes dans le monde, économiques, militaires, ou climatiques qui réclameront de nouveaux moyens. Le réchauffement de la planète crée déjà des drames, ceux-ci seront avec certitude de plus en plus nombreux et il faudra aussi les financer. Les vieilles recettes seront toujours là pour prendre tout cela en charge, il faut l’espérer, mais sans se faire d'illusion sur le fait qu'un jour trop sera trop.

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