Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 août 2020 1 24 /08 /août /2020 10:48

L'indemnisation des perdants

 

Le traité économique de la crise a en général été une démonstration d'impuissance et d'incohérences. La situation, du jamais vu auparavant, était certes difficile à gérer, mais les dissensions politiques et les revendications des acteurs sociaux ont rendu cet exercice quasiment impossible. Comme d'habitude, le politique a pris le pas sur le rationnel, amenant parfois à des décisions contestables, parce que l'on ne sait ni revenir sur certains principes bons en leur temps ni admettre qu'une cause ne peut plus être défendue.

Sauf pour ceux qui ont déclaré vouloir préserver l'activité économique en prenant le risque sanitaire, les premières décisions de fermeture ont entraîné ipso facto, comme nous l'avons déjà analysé, une récession que l'on ne sait pas chiffrer puisque nous sommes en cours de processus. Ces décisions, correctes du point de vue sanitaire, ont entraîné des pertes chez la plupart des agents économiques. Car l'organisation des sociétés est telle que l'on ne sait pas faire en sorte que les gens aient un moyen d'existence sans production et sans croissance, puisque le modèle d'auto-suffisance des paysans a été remisé aux oubliettes. Comme le choix a été de prendre des mesures sanitaires restrictives, il a semblé légitime de compenser les pertes de revenus de ceux que l'on oblige à chômer. Mais au fond ceci est une réminiscence de notre culture de la responsabilité. De même que les victimes d'un ouragan doivent être indemnisées, l'obligation de confinement doit être indemnisée. Le concept ''Quelle malchance!'' n'existe plus, puisqu'il y a des systèmes d'assurance, et, au delà, l'état providence. Au besoin, les manifestants viendront le rappeler.

On a donc admis, dans les pays disposant des ressources nécessaires, le principe de l'indemnisation pour les personnes empêchées de travailler, au moyen de divers systèmes d'allocations, avec des modalités diverses suivant les pays. Ceci en est le principe, bien simple, et je n'en dirais pas plus parce que je n'ai pas compris comment tout cela fonctionnait pratiquement, mais la volonté y est. Le résultat le plus clair est que les gens ne comprenne pas non plus, ne sont pas toujours d'accord sur les critères et continuent à manifester.

La grande idée sous-jacente est que ce principe de la compensation n'est pas seulement applicable aux personnes, il s'étend aux entreprises parce que celles-ci sont le moteur de l'économie, et qu'il faut les conserver en état de fonctionnement. Le moyen de le faire est plus complexe, on interviendra en particulier par la fiscalité. On a aussi internationalement trouvé l'acceptation du ''lay-off'', la mise au chômage du personnel provisoirement excédentaire. Mais l'application de telles mesures se heurte a deux principaux problèmes. Le premier est de déterminer qui est en difficulté et à quel point. Depuis le petit artisan à la grande multinationale, toutes les activités son touchées, et il est impossible d’établir des mesures personnalisées des dommages subis. Le second problème est que le besoin de compensation devient alors astronomique et incalculable. Les autorités feront donc des choix, et malheureusement pour les petits, la visibilité n'est pas la même pour tous. Par exemple les compagnies aériennes ont partout reçu des aides massives de leurs gouvernement, chose normalement interdite mais dans ce cas autorisée. Il est vrai qu'elles ont été lourdement touchées, mais surtout chaque état a voulu préserver un secteur jugé stratégique. C'est un choix discutable car, à le faire, on subventionne massivement le secteur au niveau mondial, permettant la conservation de surcapacités qui manifestement ne vont plus être nécessaires durant plusieurs années. Pendant ce temps, d'autres activités n'ont pas la même chance et supportent seules le poids de la crise.

En conséquence, presque tous les pays ont lancé des plans de relance de l'économie, la cote de popularité des gouvernements l'exigeait. Mais, pour moi, le principe de ces plans reste une absurdité. Cela est vrai au niveau des personnes (à la limite on pourrait faire pour elles de la redistribution sociale mais pas de la compensation pure des pertes de revenu). Cela est surtout inefficace au niveau des entreprises. Si ce sont les mesures sanitaires qui constituent le frein à leur activité, rajouter un coup d’accélérateur est une incohérence que tout conducteur d'automobile peut comprendre, et qui ne peut pas ramener de l'emploi tant que les mesures restrictives existent.

Et surtout, comme on en parlera plus loin, ces aides compensatoires sont illusoires car elles ne pourront pas durer aussi longtemps que les effets de la pandémie et leur financement pèsera lourdement sur les équilibres économiques et l'endettement. Finalement, on peut dire que aucun gouvernement ne saurait trouver une solution à un problème qui ne semble pas en avoir, mais ne pas répondre aux revendications de la rue n'est pas non plus une option pour lui. Ce qui laisse la porte ouverte à toutes les incohérences.

*

* *

Cette réflexion me rappelle d'ailleurs un autre débat, datant d'une cinquantaine d'année, celui avec les écologistes qui réclamaient un arrêt de la croissance, avec des arguments pertinents liés à l'obligation pour l'humanité de conserver une planète vivable. Produire moins et vivre, c'est la même équation imposée par le coronavirus, sauf que aujourd'hui la réalité de notre mortalité est palpable, alors que la mortalité de la planète restait alors une éventualité. Mais nous avons cette expérience. Nous avons vu avec l'écologie que les revendications sur le bien-être ne prospéraient pas face au risque de chômage et de décroissance économique, parce que le monde politique ne peut pas l'accepter. De plus, on n'imaginait même pas alors que l'on puisse en arriver à compenser les pertes de revenus correspondant à une baisse de la croissance.

Car c'est bien un principe nouveau qui s'est développé ces dernières décennies. J'ai commenté plus haut que ce qui tuait le plus n'était pas le coronavirus en soi mais le principe de précaution sanitaire et ses conséquences. On a pu voir que ce principe menait à une rébellion dans les pays pauvres, car pas de travail, pas d'argent. Nous, nous sommes dans des états qui indemnisent, et un autre principe, celui du droit à la compensation, est ce qui finira par tuer l'économie, sans même que nous soyons surs qu'il soit moralement justifié. De plus, en créant des zones économiques aux revenus protégés, cette politique accroît l'inégalité dans le monde devant le sort. Pour l'instant, on ne peut pas voir de mouvements migratoires du fait des restrictions aux transports. Mais dès que cela sera possible, on enregistrera probablement de nouvelles tentatives de migration massive, dont on connaît les effets pervers dans les pays récepteurs.

Je voudrais refaire une lecture en ce sens du fameux texte biblique qui évoque le principe ''œil pour œil, dent pour dent''. Sans entrer dans les diverses acceptations de ce principe de compensation, je voudrais faire remarquer qu'ici, s'il se produit un dommage imputable à un individu, la justice punit celui-ci et l'oblige à un dédommagement. Le cas où il n'y a pas de coupable n’apparaît pas dans ce texte. La compensation pour la personne lésée relève alors de l'entraide individuelle, de la charité, qui a joué un grand rôle dans les sociétés pré-modernes, en période d'inexistence d'un état qui résout les problèmes sociaux. Et je crois que cela a encore un sens dans notre actualité. L'état, c'est nous, et l'état ne peut pas plus que nous pouvons collectivement.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de HAYAT ALAIN
  • : 1) commenter l'actualité en correspondance avec la lecture biblique de la semaine2) Publier mes œuvres littéraires
  • Contact

PENSEZ A TÉLÉCHARGER !

BONNE ANNEE 2022 A TOUS MES FOLLOWERS
 
 

Catégories