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5 janvier 2021 2 05 /01 /janvier /2021 23:04

Changer de vision.

 

On peut espérer que l'année 2021 apportera les changements positifs qui nous sortirons de la morosité qui s'était établie un peu partout en 2020, Comme tous les vœux, celui-ci est une pétition de principe.

Sans conteste, le nouveau regard de cette année sera celui de la vaccination. Après avoir été espérés comme le messie, les nouveaux vaccins qui arrivent sur le marché font la une des informations, suscitant espoir chez les uns, méfiance chez les autres. Mais c'est de cela dont on parle principalement maintenant.

En Afrique, on notera que le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda, a revendiqué le 1er janvier, l'attaque qui a coûté la vie à trois soldats français sur une route du centre du Mali. Avec toujours les mêmes raisons, la poursuite de la présence militaire française dans la sous-région, les caricatures de Mahomet, les déclarations d'Emmanuel Macron défendant la publication de ces dessins au nom de la liberté d'expression et la politique du gouvernement français vis-à-vis des musulmans de France. Ici, pas de changement, si ce n'est pour le pire. Il n'y a pas de vaccin contre l'expansion de la violence.

Le Brexit, qui est entré en vigueur le 1er janvier est un changement de cap radical pour les britanniques. Mais il fait naître une attente nouvelle pour les Écossais, dont 62% s'étaient prononcés contre la sortie de l'Union européenne lors du référendum du 23 juin 2016. Au moment où le Royaume-Uni a officiellement quitté le marché commun et l'union douanière, bon nombre d'entre eux ont souhaité que ce divorce soit un nouveau départ pour leur revendication d'indépendance. Une telle perspective pour l'avenir du Royaume-Uni est du jamais vu, elle poursuivrait le déchirement de cet ensemble.

C'est un changement de cap important qui attend les États-Unis, avec la sortie de Donald Trump. Baroud d'honneur, onze élus républicains du Sénat ont annoncé dès ce début d'année qu'ils s'opposeraient à la certification par le Congrès américain du résultat de l'élection présidentielle. C'est une démarche rare, faisant écho aux allégations de fraude martelées par Donald Trump depuis deux mois, mais qui n'aura pas d'autre effet que de maintenir jusqu'au bout la sensation de fracture qui s'est installée dans ce pays.

Un regard nouveau sur les monnaies ? Pour ce début d'année, le bitcoin passe la barre des 30 000 dollars, un plus haut historique. Phantasme de masses de liquidités à la recherche de rentabilité, craintes sur les monnaies nationales, les explications ne manquent pas. Il me semble que nous sommes à la veille d'un bouleversement de l'ordre monétaire international, les fondamentaux de l'économie traditionnelle ayant été bousculés par l'urgence de financer la lutte contre le coronavirus.

Mon premier sourire de l'année va à cette mésaventure survenue à Bart De Wever, bourgmestre d’Anvers. Alors qu’il donnait depuis sa chambre une interview en visioconférence , il n’avait pas mis de pantalon. Malheureusement pour lui, cela s’est vu parce qu’un miroir placé derrière lui permettait à ses interlocuteurs de voir sa tenue de façon intégrale et non son seul tronc. Ce type d'incident change la vision que l'on a des personnes.

 

Notre lecture biblique hebdomadaire, en démarrant le livre de l’Exode, vient commencer la saga de la sortie des hébreux d'Égypte. Le phénomène déclencheur est un changement politique ''Il se leva un roi nouveau sur l'Égypte''. A ce sujet, les commentaires divergent, les uns assumant que cela correspond à une succession pharaonique, les autres considérant que c'est la politique du monarque qui avait changé. Nous avons vécu cela. Un changement à la tête du pouvoir s'accompagne la plupart du temps d'une modification de la politique. Mais ce n'est pas la seule possibilité de changement de cap, qui peut aussi résulter d'une modification de la vision stratégique des dirigeants. Le pharaon judeo-sceptique devient alors complotiste. L'histoire humaine est remplie de ces revirements.

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3 janvier 2021 7 03 /01 /janvier /2021 05:46

CONCLUSION

 

Pour moi, la conséquence la plus importante au plan philosophique de cette crise du coronavirus est peut-être le coup temporairement porté à la croyance en l'immortalité de l'homo sapiens et de sa capacité à tout vaincre. En effet, après avoir tout massacré autour de nous, après avoir cru que nous pouvions tout surmonter, après avoir pensé que nous avions mis en place d'éternels systèmes de protection sociale, après avoir fait croire aux populations que les nouveaux états-providence pouvaient tout prendre en charge, voilà que ce petit virus a tout remis en cause. Certes, en un temps absolument record, avec l'appui de nouvelles technologies de transfert génétique, il semble que les scientifiques soient venus à bout de la mission impossible de développer un vaccin dans des délais jamais vus auparavant, donnant une nouvelle preuve de la capacité de l'homme à surmonter les obstacles les plus complexes. Mais pendant plus d'un an, le monde aura vécu une remise en cause sans précédent de son mode de vie, et cela ne s’arrêtera peut-être pas là.

Oui, on viendra à bout de cette calamité, avec plus de peur que de mal, selon l'expression consacrée, mais nous aurons été marqués. Relativisons toutefois. Dans vingt ans, qu'en restera-t-il, rien probablement, et on n'en parlera plus. Toutes les tendances à la fracture qui existaient dans les situation antérieure n'ont fait qu'être approfondies par cette crise, et dans le futur on n'attribuera pas particulièrement au coronavirus une part des évolutions de la société. Mais je crois qu'il aura contribué plus que tout autre chose à un durcissement des tensions dans le monde.

L'oubli a été créé en même temps que la mémoire. Une fois passée la douleur de cette pandémie, d'autres malheurs lui succéderont et la feront oublier. Je ne sais pas si ce seront des crises sociales majeures, des crises financières, des guerres, des catastrophes naturelles, des changements climatiques ou des mutations génétiques. Il y aura probablement de tout cela, ce qui ôtera toute raison particulière de faire une place au coronavirus dans l'histoire de l'humanité. Mais vu de notre fenêtre, nous ne pouvons ni ignorer ce qui se passe sous nos yeux ni ne pas en tirer les conséquences.

L'enseignement pratique qui me semble être le plus important dans cette affaire est que l'on ne peut pas compter sur de tels événements pour unir l'humanité. Dans une période où tous étaient victimes de la même peur, les confits, qu'ils soient internes aux sociétés, ou entre les pays, n'ont pas diminué d'intensité, et il est même probable que le coronavirus ait été un facteur d'accroissement des tensions. Ce n'est pas une observation très réjouissante pour l'avenir de l'humanité tel que nous le rêvons, parce qu'elle laisse mal augurer du traitement des crises à venir.

Une autre des conséquences qui pourrait surgir de cet épisode serait le retour à une certaine religiosité, à une espérance messianique sur les décombres de la société d'abondance et de liberté. Si la confiance dans le pouvoir de l'homme s'affaiblissait, les tendances mystiques pourraient reprendre une certaine vigueur. L'homme a toujours besoin de croire en quelque chose, en une puissance supérieure qui lui apporterait le salut. Dans le sillage de ces possibles nouvelles tendances, on ne manquera pas de voir apparaître une résurgence des extrémismes, des fanatismes et des sectes. La prolifération actuelle des peurs complotistes le laisse anticiper. Et cela sera un problème de plus dans un monde qui en comptera déjà beaucoup.

 

FIN

 

Le livre complet est téléchargeable sur  

https://sd-1.archive-host.com/membres/up/19384143831776956/CORONAVIRUS.odt

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28 décembre 2020 1 28 /12 /décembre /2020 08:15

L'ingérence, nouvelle valeur.

 

Les paparazzi l'avaient inventée, ou plutôt utilisée à grande échelle. Sous couvert d'informer, ils se donnaient le droit de violer la vie privée des personnes (seulement des célébrités dans leur cas). De nos jours, l’ingérence est devenue une affaire courante, les réseaux sociaux l'ayant appliquée à l'ensemble de la population mondiale, personne ne s'indignant que tous puissent avoir accès à la vie de l'autre, et en plus la possibilité de la commenter publiquement. Donner une fessée à ses enfants donnerait droit à la première page des journaux, parce que ce qui se passe à la maison est nécessairement connu de tous.

Au niveau des relations internationales, ce qui était du domaine réservé des états se réduit comme une peau de chagrin. Sur chaque sujet, chaque nation se sent le droit et le devoir de donner aux autres son avis, ses recommandations ou ses exigences en fonction de son niveau de pouvoir. La colonisation était un acte physique de prise de contrôle de l'autre. L’ingérence est un moyen de substitution pour affirmer son pouvoir ailleurs que chez soi. Le premier stade en est de faire la morale aux autres. Cela est courant et banal, j'en prendrais comme exemple récent cette déclaration américaine selon laquelle les États-Unis sont préoccupés par la liberté de religion en France. Cette déclaration n'ira pas plus loin, mais si elle reste incongrue, elle témoigne bien du fait que chacun se sent la capacité légitime d'intervenir dans les affaires des autres.

L’ingérence d'un pays dans la politique d'un autre était en son temps cause de guerre, surtout à l'époque où l'identification entre un pays et la figure de son souverain était totale. Aujourd'hui il est devenu courant d'affirmer que le souverain ou le gouvernement ne représente pas la volonté de son peuple, ce qui est un motif suffisant d'opposition, et conforte des troubles soit nationaux soit internationaux.

Tout ceci existait avant le coronavirus. Mais je crois qu'il y un effet induit de cette pandémie, parce que la pratique du contrôle des situations sanitaires, qui est par nature autoritaire, ravive le désir de contrôle de toutes les situations. Et que l’ingérence pour raisons sanitaires pousse à légitimer l’ingérence tout court.

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L’ingérence de l'état dans les affaires de ses sujets n'est pas à proprement parler une ingérence, puisqu'elle a sa légitimité, mais elle est toujours mal vécue par la population. Le dernier cas est celui du traçage des porteurs du coronavirus. Il y a là deux concepts qui s'opposent, celui du pouvoir décisionnaire de l'état, et celui de la liberté des individus. Mais il faut être réaliste. Un gouvernement qui ne serait pas capable d'imposer des lois à ses sujets (ce qui n'exclut ni la concertation préalable ni l'effort de conviction) n'est pas viable. On l'a bien admis pour les affaires fiscales. Les contrôles fiscaux ont conduit dans le passé à des suicides, mais malgré cela personne n'a remis en cause le droit de l'état à fouiller dans les comptes des citoyens, ni traité cela d'ingérence abusive. Mais force est de constater que la capacité d'intervention des états dans leur propre pays est en déclin face à une revendication montante des citoyens de pouvoir faire librement ce qu'ils veulent.

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Pour le plaisir, quelques cas de figure de l’ingérence internationale, dans une liste qui est loin d'être exhaustive.

Le premier cas sera la mise en cause de la légitimité de dirigeants élus dans leur pays. Non pas que je veuille défendre des personnalités très justement pointées du doigt, mais je pense que mon opinion sur des sujets relatifs à d'autres lieux que ma cité ne regarde que moi. En fait, très peu de gens connaissent correctement la situation interne de ces pays, moi y compris, et y compris les médias qui retransmettent des informations très souvent partiales. Il n'empêche que les opinions publiques, et les responsables politiques interviennent régulièrement sur ces sujets, même lorsqu'il n'y a aucun enjeu national en cause. Je crois que l'on peut lutter contre les politiques extérieures d'un Loukachenko, d'un Maduro ou d'un Al-Assad, pour ne prendre que ceux-là, sans l'expliquer par le fait qu'ils n'ont pas été élus démocratiquement. C'est de l’ingérence qui n'est que de la déclamation, car personne n'ira en guerre contre ces pays sous ce prétexte, comme cela a été démontré dans la pratique.

Le second cas est le positionnement des grandes puissances sur des conflits régionaux, et il y en aurait beaucoup à citer. Ces interventions consistent le plus souvent à faire la guerre par pays ou par milices interposés, pour le plus grand malheur de ces derniers. Prenons comme exemple le conflit libyen. Les querelles tribales internes à ce pays riche en hydrocarbures ont entraîné l’ingérence de l'Europe, soucieuse du contrôle de la politique migratoire dans ce territoire de transit des flux du Sahel, l'ingérence de la Turquie soucieuse de trouver un partenaire sur sa politique méditerranéenne contre la Grèce, et l'ingérence de l'Égypte soucieuse de sécuriser sa frontière occidentale. Les jeux de pouvoir se mondialisent, prenant en otage des régions entières.

Un troisième cas serait l'intervention directe dans un pays tiers. La France l'a fait en Afrique pour sauvegarder ses intérêts miniers, les États Unis l'ont fait en Afghanistan pour éliminer les talibans, et il y a bien d'autres exemples. De fait, un pays qui se sent fort se donne le droit d'intervenir directement sur le territoire des autres.

Enfin, il y a le cas pur et simple de l'annexion de terre, qui n'est pas de l’ingérence dans les cas où il n'y a pas d'autorité reconnue. Bien que difficilement accepté aujourd'hui, ce fut le grand principe de l'établissement de la plupart des nations actuelles, un principe qui figurait déjà dans les textes anciens. Aujourd’hui, on se retrancherait plutôt sur des arguments historiques ou culturels pour justifier les annexions. J'en prendrais pour exemple, dans une liste qui n'est pas limitative, la persévérance d’Israël pour agrandir son territoire, celle du Maroc pour mettre la main sur le Sahara occidental, l'intervention de la Russie pour s'emparer de la Crimée. Et on sent venir les disputes dans l'Arctique et dans l’Antarctique, des territoires qui, malheureusement, deviendront prochainement habitables.

Que les jeux politiques habituels mènent à ces situations n'est ni nouveau ni choquant. La nouveauté de notre époque est que les populations, via la couverture intensive des médias, et surtout du fait de la montée en puissance des réseaux sociaux, sont de plus en plus impliquées dans ces conflits. Cela crée une double nouvelle ingérence, celle des internautes dans des situations qu'ils ne connaissent qu'approximativement, et celle des autorités voulant contrôler le fonctionnement des réseaux sociaux. Le monde de l'information, de la contre-information et de la politique devient une mélasse dont on aura du mal à sortir.

Tout cela n'a bien sur rien à voir directement avec le coronavirus, mais la mise au second plan. du fait de la pandémie, de l'attention publique portée aux relations internationales a certainement joué un rôle dans l'évolution récente de ces situations

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En conclusion, force est de constater que l’ingérence n'est plus en soi un motif de conflits mais une donnée de notre civilisation, l'imagination des peuples ne connaissant plus de frontières. C'est un fait reconnu, auquel il n'y aura plus moyen d'échapper. L'épisode du coronavirus a exacerbé ce besoin de savoir tout sur tout, peu importe où cela se passe. Et les moyens de communication d'aujourd'hui nous donnent la possibilité d'intervenir sur tout. On peut donc affirmer que dans ce nouveau monde, le coronavirus a fortement renforcé la propension du confiné moyen à réagir personnellement à tout ce qui se passe sur la planète via ses tweets et ses posts.

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21 décembre 2020 1 21 /12 /décembre /2020 11:57

Les relations internationales

 

La pandémie du coronavirus est le dernier exemple en date du caractère mondial d'un événement, ce qui a été bien formulé par le français Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères ''Pour la première fois dans l’histoire, les êtres humains ont eu peur de la même chose en même temps et partout dans le monde''. Mais au lieu de provoquer l'unité des peuples, tous confrontés à la recherche de la même solution, il faut constater que cette crise parfois tendu les relations internationales.

Certes l'ordre international était déjà éminemment instable, marqué par de nombreux conflits, des rivalités entre puissances empêchant le fonctionnement normal du multilatéralisme et une remise en question permanente des équilibres qui s’étaient constitués au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais la crise du coronavirus est venue élargir les fractures existantes. En particulier, la crise sanitaire a partout renforcé le repli sur le domaine national et la tendance au retour des frontières dans le but d'éviter la propagation de la pandémie, mais l'idée de l'isolationnisme est revenue, un phénomène généralisé, avec ses exceptions.

Par ailleurs la course au vaccin a bien mis en lumière l'écart entre pays disposant des ressources de recherche médicales suffisantes et les autres, et l'écart entre pays capables d'acheter des doses et ceux qui n'en n'ont pas les moyens. S'il y a internationalisation du problème, il n'y a pas internationalisation de la solution. C'est une problématique que l'on rencontre à propos de beaucoup de sujets et qui génère beaucoup de tensions. Il n'y a ni gouvernement mondial, ni loi mondiale, ni morale mondiale, et cela a ses conséquences.

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Dans le vaste domaine des relations internationales, une lame de fond, précurseur d'un tsunami politique, avait fait son apparition, et je l'avais commentée en son temps. Il s'agit de la perte de puissance des États-Unis et de la montée irréversible de la Chine sur la scène internationale. Là encore, la tendance existait indiscutablement, mais à divers points de vue, la pandémie du coronavirus l'a amplifiée. Certains adeptes du complot, conscients de cette situation, avaient imaginé que la Chine était volontairement responsable de cette catastrophe qui, affaiblissant le monde, renforce son hégémonie. En fait, si la Chine n'avait pas besoin de cela pour affirmer sa progression, la gestion calamiteuse de la pandémie par les autorités américaines lui donne en prime tout l'espace nécessaire pour renforcer sa suprématie. On lira dans les prochains mois, avec les publications de statistiques, la quantification de ce phénomène, l'économie chinoise devant marquer un rebond et l'économie américaine devant subir un refroidissement. Il est clair pour moi que le dynamisme de la Chine en fait la première puissance mondiale, chose que la vision traditionnelle nous empêche d'accepter. Mais dans de nombreux domaines, comme l'histoire récente de Huawei et de la 5G l'ont montré, la créativité et l'avance technologique se déplacent vers l’Asie. Pratiquement, l'information n'est pas suffisamment diffusée, ce qui rend l'analyse incertaine, mais lorsque l'on dit, sans en avoir les détails, que des dizaines de millions de chinois ont déjà été vaccinés contre le coronavirus, on sent l'avance que ce pays peut avoir prise.

Prenons comme exemple le secteur aéronautique. Alors que la situation de Boeing et Airbus est fragilisée par la baisse mondiale de la demande de transport aérien, une nouvelle menace pour ces constructeurs arrive de Chine, sous la forme d’un concurrent de taille, le COMAC C919, un avion conçu en Chine qui vient d’entrer dans sa phase de tests, et qui est un rival direct de l’A320 d’Airbus et du 737 de Boeing. C'est donc une composante importante de l'économie mondiale qui s'installe en Chine, avec ses effets considérables sur la recherche et l'emploi. Le secteur va donc se retrouver en surcapacité, mais comme la Chine peut générer un fort marché intérieur protégé, ce sont surtout ses concurrents américain et européen qui vont souffrir, à une époque déjà difficile du fait des restrictions au transport liées au coronavirus.

Autre exemple, le spatial. Depuis 2003 où elle a envoyé son premier astronaute dans l'espace, la Chine a investi des milliards dans son programme spatial, afin de dépasser les majors du secteur. Le géant asiatique vient d'achever la constellation de son système de navigation Beidou, rival du GPS américain, et prévoit d'assembler une grande station spatiale d'ici 2022. Dernier exploit en date, la collecte de roches lunaires par une sonde, un grand bond pour le programme spatial chinois, qui lui permet de tester de nouvelles technologies, avec en vue l'envoi d'astronautes sur notre satellite d'ici 2030.

Le phénomène était en marche. Mais c'est bien la pandémie du coronavirus qui, traitée différemment dans les deux pays, qui a, me semble-t-il, accéléré l'avantage de la Chine. D'où d'ailleurs la théorie complotiste, mais qui n'est pas nécessaire pour expliquer ce changement radical dans l’équilibre des puissances mondiales. Le mieux que l'on puisse espérer est que ce dernier s'effectuera sans conflit majeur, étant donné qu'il mettrait face à face deux grandes puissances essentielles pour le développement économique mondial. Mais nous savons d'ores et déjà que, dans cette situation, les États-Unis auront à cœur de montrer qu'ils sont encore les plus forts, ce qui n'est pas non plus sans risques.

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Je ne sais pas si les choses sont effectivement liées, mais il me semble que la vague de repli provoquée dans tous les pays par la crise du coronavirus a favorisé la résurgence des nationalismes et des confrontations internationales, modifiant la vision que l'on pouvait avoir de la politique internationale. Je crois toutefois que l'on peut affirmer que le coronavirus aura eu un effet majeur, bien qu'indirect, sur la stabilité du monde tel qu'il était au début de 2020.

Certes, il y a toujours eu des conflits un peu partout, latents ou ouverts. Tant bien que mal, du fait de la bonne volonté de certains et des positions extrémistes d'autres, un équilibre précaire s'est maintenu, et l'orientation était plutôt à la pacification. L'ONU avait été fondée pour préserver cette paix, et elle l'a fait tant bien que mal, contribuant à certains dialogues et aidant à maintenir des statu-quo préférables à des conflits. Cette tendance de la politique internationale a récemment été désorientée par les caprices du président américain Donald Trump, qui avait favorisé la propension des pays à se retourner les uns contre les autres, conformément à sa propre forme de réagir. Et avec l'apparition du coronavirus, le cumul des problèmes qui pèsent sur les peuples a encouragé les discours nationalistes, qui deviennent un espoir pour des populations déstabilisées.

Revenir à une harmonie internationale prendra du temps, et je ne sais pas si on aura ce temps. Avant cela, il faudra calmer les esprits et éviter les confrontations qui se préparent. Ce ne sera pas facile, étant donné le nombre de situations conflictuelles existant aujourd'hui sur la planète, dans une atmosphère marquée par la défiance générée par l'expansion du coronavirus.

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14 décembre 2020 1 14 /12 /décembre /2020 08:48

Le temps de l'écologie.

 

Il me semble maintenant que, au niveau du public, la crise du coronavirus ait fait passer au second plan le combat pour l'écologie. Cela se comprend. Les gens sont tétanisés par les mesures contre la contamination et par leurs problèmes économiques, leur esprit est rempli de tout ce que les médias rapportent en permanence sur la pandémie, ce qui est suffisamment perturbateur. L'avenir de la planète n'est plus une priorité pour personne. Du côté des états, les caisses s'épuisent dans des soutiens à une économie qui souffre, il faut parer au plus presser et oublier pour un temps ce qui est bon pour le long terme. Oui, le temps de l'écologie a eu sa chance, mais celle ci me semble avoir disparu, sauf dans la parole des politiciens.

Pourtant, on pouvait espérer mieux. Au début on s'est émerveillé de l'air redevenu pur du fait de la disparition de la circulation automobile et de l’arrêt des entreprises. Pour moi qui vit au bord de l'eau en environnement urbain, tant à Lisbonne qu'à Tel-Aviv, c'est un plaisir de voir (quand on peut y aller) de l'eau de mer limpide. L’hyper-consommation s'est calmée. On n'achète plus que si c'est strictement nécessaire, on ne flâne plus dans les centres commerciaux, on consomme donc moins, ce qui était l'une des revendications des écologistes. En particulier, la consommation d'énergie est réduite, ce qui veut dire moins de produits pétroliers qui brûlent dans l'air. En conséquence, le monde a enregistré en 2020 une baisse spectaculaire des émissions de CO2. On s'est dit alors qu'il fallait que cela continue après la crise, à une époque où l'on pensait que le virus disparaîtrait rapidement.

Mais il a fallu vite déchanter. Cette baisse de consommation n'a pas été le résultat d'une démarche voulue, elle a été imposée par la situation sanitaire, et personne ne veut dire que c'est bien comme ça, personne ne s'engage à ce que cela continue, parce que tout le monde veut que l'on revienne au monde d'avant, un monde encore plus pollué s'il le fallait. De plus, le désenchantement et la mauvaise humeur ont poussé à plus de laisser-aller. Le civisme est peut-être encore présent dans certains îlots de certains pays développés, mais je constate autour de moi que, par exemple, plus personne ne se préoccupe de l'utilisation de sacs en plastique pour faire ses courses. Nouvelle plaie issue de l'actualité, les gants, les masques usagés se retrouvent jetés un peu partout dans des rues moins nettoyées. L'air est peut-être plus pur, les villes sont certainement plus sales. Les gestes-barrière ont pris le pas sur les gestes écologiques.

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Qui reparle dans les cercles politiques des potentiels de l'économie verte et des investissements dans ce domaine ? On avait vanté et défendu la croissance verte, la transition écologique devant devenir source de nombreux emplois nouveaux. Pour le moment, on voudrait déjà défendre les emplois existants. Les grands bénéficiaires des aides publiques de l'ère coronavirus sont des secteurs comme l'automobile ou l'aviation, les bêtes noires des mouvements écologistes, alors même que l'on sait que ces aides sont économiquement injustifiées, mais il faut sauver ce qui existe avant de penser à son remplacement. Pour les investissements, les grands projets verts sont mis de côté au profit des nouvelles technologies du numérique et de la biologie.

Le slogan ''sauvons la planète'' est donc remplacé par la préoccupation ''sauvons les hommes''. C'est un nouveau débat. Le monde actuel a des besoins pressants, par exemple, semble-t-il, dans le secteur alimentaire, où la production est à la peine, d'une part pour des raisons climatiques, mais aussi pour la raréfaction d'une main d’œuvre souvent issue des migrations saisonnières. De ce fait, les pesticides sont de retour, car on s'aperçoit que les besoins de la production sont pour l'instant incompatibles avec la disparition des produits chimiques.

Un autre exemple récent, cette décision du Danemark d'abattre la totalité de la quinzaine de millions de visons élevés sur son territoire à cause d'une mutation du Covid-19 transmissible à l'homme par cet animal. Pourtant, cette mutation ne se traduit pas par des effets plus graves chez l'homme mais par une moindre efficacité des anticorps humains, ce qui menace la mise au point d'un vaccin. Voilà donc programmé, pour donner plus de chances au vaccin, le génocide d'un animal que les écologistes avaient réussi à préserver de l’appétit des confectionneurs de fourrures de luxe. Mais cela appelle un autre débat philosophique, si on veut réfléchir au fait que les humains malades sont soignés jusqu'au bout et que les animaux seulement suspects sont exterminés.

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L'écologie paie aussi un prix politique. Aux prochaines élections les listes vertes feront probablement moins recette. En Europe en particulier, on avait pu noter un regain de ces partis, pour lesquels beaucoup avaient voté par déception envers les formations traditionnelles qui se sont alternées au pouvoir sans beaucoup de résultats. Aujourd'hui, c'est vers d'autres partis minoritaires, qui jouent sur les craintes qui se multiplient dans la société, que se retournent des électeurs. La population veut revenir à une vie normale. La situation à terme de la couche d'ozone ou la qualité des nappes phréatiques a perdu de son pouvoir mobilisateur dans le nouveau contexte de la crise du coronavirus et de la violence urbaine.

Le fait pour Joe Binden de vouloir revenir aux accords de Paris part d'une bonne intention, certainement louable. Reste à voir si elle résistera à l'urgence d'autres problèmes plus prioritaires pour les électeurs. De plus, même si les États-Unis décident de revenir à cet accord, d'autres pays pourraient ralentir leur engagement du fait de leurs difficultés économiques. Et d'autre part, le temps ayant passé, il y a certainement lieu de refaire un bilan complet avant d'actualiser les décisions d'alors, les objectifs antérieurs étant maintenant irréalistes. Tout cela accroît les délais mis dans la résolution des affaires du monde par la crise du coronavirus.

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Je retiendrais comme caractéristiques de l'épisode du coronavirus la vitesse de réaction de la science, l'ampleur de l'effort d'éducation de la population et les ressources financières mises pour en contrer les conséquences. Ce sont ces trois facteurs qui me semblent manquer dans le traité du changement climatique. Et cela peut s'expliquer par la manière dont les individus ressentent l'urgence de la situation.

Entre fatalisme et dynamisme, les religions ont présenté un éventail d'attitudes. Le texte biblique évoque de son côté un monde en évolution, avec une création faite en plusieurs étapes. Malgré cela, la reconnaissance de l'évolution a été un problèmes pour les religions bibliques. Les coutumes juives et musulmanes se focalisent sur le respect des traditions passées, alors que les grands innovateurs juifs, tels par exemple que Jésus, Marx ou Zuckerberg se sont montrés clivants par rapport à leur époque. Je me suis toujours dit climato-sceptique, non pas dans le sens de nier l'évolution, mais au contraire par l'affirmation que vouloir contrer l'évolution pour revenir à la situation antérieure est utopique. Je soutiens la thèse qu'il faut diriger nos efforts à nous adapter aux dégâts présents et surtout à venir.

Mais contrairement à la situation du coronavirus, il n'y a pas d'accord dans le monde pour accepter et traiter les catastrophes écologiques inéluctables. L'écologie s'évertue à préconiser des actions qui laissent croire que l'on pourra stabiliser notre environnement, ce qui fait que personne ne se prépare à un avenir encore plus dégradé. Le monde qui a réussi à se vacciner contre le coronavirus n'aura pas la même chance contre les défis environnementaux.

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7 décembre 2020 1 07 /12 /décembre /2020 08:00

Les nouveaux mythes

 

Comme en toute période où les certitudes s'évanouissent, la perte de confiance dans les autorités conduit à des comportements erratiques. Le plus grave d'entre eux est le développement de théories complotistes, toutes issues de l'idée qu'il y a quelque chose qu'on nous cache derrière tout ce que l'on nous dit. Cette paranoïa n'est pas nouvelle, mais la crise du coronavirus a été l'occasion de la multiplication de plusieurs lectures complotistes de l'actualité. On commencera par la naissance du virus, dont ignore encore l'origine plus d'un an après son apparition, les recherches à ce sujet se poursuivant encore. Comme tous les gens en quête de compréhension du mystère, j'avais moi-même émis quelques commentaires sur une liaison possible entre le fait que, apparemment, ce virus s'était échappé d'un laboratoire de Wuhang et le fait que le pays immédiatement le plus touché après la Chine était l'Iran. Cela menait à penser que la Chine travaillait pour le compte de l'Iran sur des armes biologiques. En fait la diffusion mondiale du virus a été telle que cette hypothèse n'est plus crédible aujourd'hui (il semblerait que l'Italie ait été contaminée avant la Chine, mais cela reste encore à prouver). Il n'empêche que certains considèrent encore aujourd'hui les chinois comme des criminels responsables d'une pandémie qui leur profite en créant une situation chaotique dans le monde. Si la négligence initiale des chinois face à cette maladie inconnue ne fait plus de doute, la volonté criminelle de répandre le virus est certainement inexistante, mais cette idée prospère.

Un autre groupe de théories complotistes concerne le fait que les états exagèrent la dangerosité de la pandémie pour accroître leur pouvoir policier et plus surveiller leur population. Certes, beaucoup de pouvoirs sont tentés par cette possibilité de reprendre la main. Mais en arriver à ce point de machiavélisme, qui de plus exige une entente mondiale sur la communication, n'est certainement pas crédible. Le soulèvement contre les systèmes de traque des porteurs de virus, qui me semblent être une avancée indispensable dans le contrôle de la pandémie, correspond à la même panique complotiste. D'une manière générale, toute initiative des autorités est rejetée par une partie importante de la population parce qu'elle est vue non pas comme un acte protecteur mais comme un désir de contrôle des faits et gestes de chacun. Cela s'est passé avec le port du masque et avec l’inoculation obligatoire d'un vaccin.

Je n'oublierais pas de citer cette rumeur selon laquelle les vaccins sont dangereux, que leur approbation résulte de la double action du lobbying des laboratoires et de la volonté des gouvernante de monter qu'ils trouvent des solutions. Les discours sur la dangerosité des nouveaux vaccins, issus de méthodes récentes sur l'ARN s'amplifient, avec toutes sortes de paranoïa sur des conséquences génétiques chez les personnes inoculées. Il est clair que le temps est compté, que l'on peut (et que l'on doit, à mon avis) accepter de prendre un risque pour sauver des vies et sauver les économies. Il est vrai que les états sont fébriles pour trouver une issue rapide, quelle qu'elle soit, à la crise sanitaire. Il est vrai aussi que, pour l'industrie pharmaceutique les enjeux financiers sont colossaux, du jamais vu auparavant. Toutefois, si les uns et les autres sont volontaristes, je crois que personne n'ira proposer une vaccination sans les contrôles minimaux et si elle comporte des risques importants, et qu'il ne faut pas surtout pas considérer comme des criminels ceux qui veulent avancer dans la voie de l'éradication de la pandémie.

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Il me semble que dans ce climat où beaucoup de choses sont remises en cause, la résurgence des violences ethniques ou communautaires n'est pas pas un hasard. Phénomène aggravant, la déconvenue et les espoirs déçus des premiers confinement un peut partout dans le monde rend les populations plus amères et donc agressives. Comme cela s'est vu dans le passé, le public désorienté cherche, même inconsciemment, des coupables à sa situation ou un moyen d'externaliser les frustrations. La colère sociale est une manifestation compréhensible. Elle peut se retourner vers tel ou tel groupe, politique religieux ou autre. Le grand mythe antérieur au coronavirus, celui du danger des migrants, qui s'est un peu effacé devant la peur de la maladie, demeure en arrière-plan, peut être encore plus vivace. Et il me semble potentiellement explosif, parce que cette crainte des migrants (qui sont une des composantes majeures de la démographie) amène à ne pas effectuer les actions nécessaires à leur l'intégration (logement, travail, formation...) et à promouvoir ces situations de ghettoïsation dont il est très difficile de sortir. Avec les situations de confinement, la nécessité de l’intégration des migrants va prendre du retard, si ce n'est un coup d´arrêt. Les mythes xénophobes vont de ce fait pouvoir se multiplier, et maintenant, à chaque incident dans la société, les téléspectateurs se demandent à quelle origine ethnique appartiennent les fauteurs de troubles. Le coronavirus n'y est pour rien directement, mais le temps passé à la maison s'allonge, le temps passé devant la télévision s’accroît, et cela joue aussi sur notre réalité imaginaire.

Nous avons une situation similaire au plan des relations internationales. La fermeture des frontières s'accompagne d'un regard méfiant sur les autres. Certes nous avons dépassé ces périodes où la peur de l'ennemi, souvent irrationnelle, engendrait des mythes très caricaturaux, tels que les boches pour les français, les communistes pour les américains, les djihadistes plus récemment. Mais que ce soit au Moyen-orient, en Asie ou ailleurs, beaucoup de situations conflictuelles poussent à exagérer la dangerosité de l'ennemi. Dans une situation ou le coronavirus renferme les populations sur elles-mêmes, elle les rend plus vulnérables à tous les mythes belliqueux.

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30 novembre 2020 1 30 /11 /novembre /2020 08:08

Le virus en politique intérieure.

 

Revenons sur ce fait que la pandémie du coronavirus a largement contribué à la fragilisation du pouvoir en place dans la plupart des pays. C'est une conséquence du fait que, quelle que soit la politique du gouvernement, celle-ci est toujours perdante dans une situation de crise face à une opinion publique qui s'attend à être protégée de tout, quand elle réalise qu'elle ne l'est pas. Même si le véritable responsable de la situation que nous vivons est ce fameux virus, les populations se sont habituées à rendre les états responsables de leur mal-être, considérant que ce sont eux qui doivent résoudre leurs problèmes. Or dans le cas présent, en l'absence d'un vaccin disponible en grandes quantités, l’équation semble impossible à résoudre si l'on veut préserver à la fois la santé et l'économie. A toute stratégie des autorité privilégiant un critère correspond une dégradation sur l'autre, et il est très difficile de trouver le juste équilibre. Seul un tout petit nombre de pays a réussi à le faire, principalement du fait du haut sens de responsabilité de leur population, ce qui n'existe pas dans la plupart des cas. Les autorités sont donc en général perdantes à tous les coups, et doivent affronter une contestation permanente.

Cela est essentiellement vrai dans les pays démocratiques et à forte circulation du virus. Nous venons d'en vivre une parfaite illustration aux États-Unis. Donald Trump, pour ménager sa base populaire, a sciemment ignoré et déprécié la dangerosité du virus. Il a fait le pari qu'il gagnerait plus à favoriser l'activité économique, avec le maintien des emplois et une bourse qui se tient. Dans ce cas, ce fut un pur calcul électoral qui n'a pas fonctionné, bien que de peu, mais qui a tué des milliers d'américains. Son successeur héritera du problème, rejoignant l'ensemble des nations, mais avec un handicap énorme. En effet, du fait de la longue absence de politique cohérente, le pays a enregistré une nette recrudescence de l'épidémie, avec des nombres records de nouvelles contaminations quotidiennes et de morts. Joe Biden a immédiatement annoncé qu'il mettrait en place, alors qu'il n'était même pas officiellement élu, une cellule de crise sur le coronavirus, rassemblant des scientifiques et des experts, pour combattre le principal défi actuellement posé à l’Amérique. Mais on connaît d'ores et déjà les grandes lignes des conclusions à venir. Pour rattraper le temps perdu, la nouvelle administration devra nécessairement, sous une forme ou une autre, en venir au confinement, en risquant, comme partout ailleurs, de vives réactions populaires. Les effets conjugués d'un ralentissement économique, des besoins accrus pour l'aide sociale, de l'augmentation de la dette alors qu'il n'a pas la main sur le Sénat laissent envisager un futur compliqué pour le nouveau président américain.

Et partout, directement ou indirectement, l’épidémie du coronavirus devient le centre de la discussion politique. La gestion de la pandémie sera un sujet majeur dans les élections à venir, pendant assez longtemps, même si un vaccin efficace arrive sur le marché. Et il est un peu navrant de voir tous nos politiciens prendre position moins en fonction d'une analyse scientifique de la situation sanitaire que de leurs propres enjeux partisans. Mais ainsi va le monde de la politique, rien de nouveau en cela.

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Un autre phénomène qui me paraît lié au coronavirus et qui a une conséquence importante sur la vie politique est que la peur de la maladie a effacé les autres causes de rassemblement national. Or la plupart des nations se sont formées en se soudant autour de valeurs, qu'elles soient religieuses, identitaires, sociologiques, idéologiques ou autres. La pandémie, les craintes qu'elle suscite, les actions prises pour la contrer, la dérégulation de nos habitudes fait que chaque sous-groupe se détache de l'ensemble, menaçant de ce fait la cohésion globale. Il me semble qu'en conséquence, le nombre de partis politiques présents dans les futures élections dans de nombreux pays devrait augmenter, reflétant cet émiettement des votes. Et je ne crois pas que ce soit un hasard ou une coïncidence si aux États-Unis, en Europe, en Asie, les situations internes deviennent plus conflictuelles. L'avenir dira si la disparition de la maladie entraînera le retour de la cohésion sociale, mais personnellement j'en doute. Les nouveaux choix politiques faits aujourd'hui devraient en effet avoir des conséquences sur le long terme, et les discussions à leur sujet retarder le retour à un consensus national.

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Jamais, même en période de guerre, une société n'aura généré autant d'exclus, ce qui apporte une nouvelle tonalité à la gestion politique. Il y a les victimes de la paralysie de l'économie, de l’inquiétude sanitaire, du dérèglement social. Cela se traduit à l’intérieur par de la morosité ou de la déprime, et à l’extérieur par des vagues de manifestations, justifiées, compréhensibles, mais qui sont inopérantes du fait qu'il n'y a pas de réponses dans le court terme. Ce climat de contestation donne l'occasion de remettre sur la table plusieurs thèmes récurrents, et de fragiliser encore plus un pouvoir qui ne sait pas donner de réponses. Il est clair que l'opposition, qui n'a pas plus d'imagination que le pouvoir en ce qui concerne la résolution des problèmes sanitaires, en profite pour tout critiquer dans le seul but de se positionner.

L'une des revendications, qui est un piège pour les gouvernants, est le droit à liberté de comportement et le droit pour chacun de faire ce qui lui paraît être le meilleur. Que ce soit au sujet du port du masque, de l'ouverture des commerces, de la circulation ou de la participation à des rassemblements, la revendication populaire est forte. Or le pouvoir ne peut accepter ces revendications de la rue, indépendamment de leur légitimité. Soit il cède et n'atteint pas ses objectifs sanitaires, soit il résiste, passe pour dictatorial et perd les élections suivantes.

A l'occasion de ces manifestations de rue, on retrouvera aussi une problématique bien rodée dans les pays démocratiques, celle du droit des opposants confrontée à celle du droit des forces de l'ordre. Chacun l'évaluera vu de sa fenêtre. Mais la contribution originale de la pandémie du coronavirus à cette situation traditionnelle est cette nouvelle obligation du port du masque dans les rassemblements. Celle- ci devient une nouvelle cause de contestation. Les manifestants deviennent alors doublement coupables, pour se rassembler massivement d'une part et pour ne pas porter ce masque contesté d'autre part. Voila qui ravive d'autres débats dans la société, d'autant plus que les tensions montantes s'accompagnent de violences accrues de part et d'autre, un phénomène inévitable mais qui laissera des traces.

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 07:37

Facteurs politiques.

 

Gérer une société n'a jamais été chose facile, et cela aura été encore moins facile avec l'irruption dans le monde, en fin 2019, de la pandémie du coronavirus. Celle-ci a déclenché, pour la première fois dans l'histoire, une vague de nouvelles peurs, qui ont partout fait oublier pour un temps les anciennes priorités nationales au profit de la défense de la santé publique. Cela a été immédiatement perceptible au niveau des jeux politique de chaque nation, les décisions et la communication sociale se focalisant brutalement sur ce sujet. La santé devenait un sujet politique de première grandeur, et bien des ministres de la santé, un portefeuille normalement calme, se sont vus mis en première ligne de l'actualité sans toujours avoir la compétence nécessaire. Par ailleurs, le coup d’arrêt mis aux débats parlementaires par les mesures de confinement, le ralentissement de l'activité de toutes les administrations ont aussi contribué à la marginalisation et à l'ajournement des autres considérations, même de celles qui semblaient être de premier plan quelques mois auparavant.

D'une manière générale, face à toute difficulté, il y a ceux qui cherchent des solutions aux problèmes, et ceux qui cherchent des coupables à fustiger pour distraire l'opinion publique dans l'attente de trouver une réponse à la crise. Les scientifiques sont en général du premier groupe, les hommes politiques du second. Les opinions publiques sont de plus en plus nerveuses, elles veulent des solutions crédibles à leurs problèmes, et le politique doit en tenir compte. Mais comme ces solutions ne sont pas immédiatement sur la table, il ne reste plus aux dirigeants qu'à désigner les coupables de tous les maux. Ce seront ceux qui, n’obéissant pas strictement aux directives du pouvoir, sont donnés comme responsables de l'expansion de la pandémie. Malgré cela, les opinions publiques sont bien consciente que les mesures de précaution prises, générales et administratives, ne sont pas toujours ce qu'il y avait de mieux à faire. D'autant plus que les marchandages entre parties prenantes, les intérêts de certains groupes, créent des distorsions incompréhensibles dans l'application de ces mesures.

Dans chaque pays, il y avait des enjeux nationaux spécifiques. Tous ceux-ci ont été balayés au profit d'un seul objectif, sortir de la crise sanitaire et de la crise économique résultante. Mais transformer un objectif sanitaire en argument politique est parfois difficile. Comme cas extrême, la maladresse apparente avec laquelle un Donald Trump l'a fait a eu pour résultat de dresser contre lui tous les médias et éventuellement de lui faire perdre les élections. Et dans tous les pays on a retrouvé cette dualité entre sanitaire et politique. Même dans un pays considéré sérieux comme l'Allemagne, une association de médecins, rejointe par quelque 2000 médecins de par le monde, a dénoncé la théâtralisation de la santé, la gestion “non scientifique et grotesque” de la pandémie. Ce décalage entre les manœuvres du monde politique et le besoin de comprendre et d'être rassuré des populations peut paraître navrant, mais il est une grande tradition de l'humanité. La crise du coronavirus vient le confirmer.

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Le rapport entre le pouvoir et le peuple a pu prendre différentes formes dans l'histoire. Mais partout aujourd'hui, parce qu'elle est une donnée incontournable de notre époque, la crise du coronavirus a créé des situations politiques inimaginables il y a quelques années. On y trouve plusieurs cas de figure. Seulement un tout petit nombre de pays, comme la Corée du Nord, nient l'existence de la pandémie, et leur population n'a droit ni à l'information ni à la parole. Le reste du monde est braqué sur cette catastrophe. Il y a des pays sereins parce que le civisme y est une valeur respectée. Il y a des pays divisés parce que chacun veut en faire à sa tête, et dans ce cas les personnes clament leurs priorités, et les dirigeants les leurs. Les conflits politiques surgissent alors parce que les dirigeants n'ont pas été élus sur des programmes qui comportaient une pandémie mondiale. Ils se retrouvent donc en porte-à-faux et il se peut que même leurs électeurs soient déroutés par les mesures prises.

Or un pouvoir ne tient sur la durée que s'il a l’adhésion du peuple, ou la force nécessaire pour faire plier ses opposants. Les pays habitués à l’oppression peuvent maintenir un pouvoir dictatorial, cela se voit encore de nos jours. Dans ceux-ci, les dirigeants peuvent dire et faire ce qu'ils veulent, le peuple en désaccord n'ayant pas les moyens de changer les décisions, les populations n'ayant pas de réaction face à la gestion de la crise sanitaire, pas plus que sur les autres sujets. Mais dans les pays passés à la démocratie (ou à l'illusion de la démocratie) se maintenir au pouvoir est plus complexe parce que cela exige une approbation populaire, ce qui n'est pas automatique dans notre cas étant donné que la pandémie est une donnée récente introduite dans le paysage politique. Certaines cultures y réussissent mieux que d'autres, je pense à cet exemple frappant à cet égard de l'écart de gouvernance entre la France et l'Allemagne.

Les objectifs sanitaires se heurtent donc aux besoins de l'économie, et cela est parfaitement clair, même si certains dirigeants essayent de bonne foi d'expliquer qu'il n'y a pas de système de santé sans économie forte ni de capacité économique dans un pays malade. Cet argumentaire relève de la dissertation scolaire, la réalité est que les populations ne peuvent pas assimiler deux objectifs opposés. Les désaccords sur les mesures prises vont donc croissant, générant des crises politiques a l'issue incertaine. Comme les échéances électorales sont nombreuses et à intervalles rapprochés, la stabilité politique des prochains mois est mise à rude épreuve dans beaucoup de pays.

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Lorsque la crise du coronavirus a éclaté, le monde était installé dans un équilibre précaire, avec plusieurs conflits latents, des jeux de pouvoir entre grandes puissances, et des situations en évolution ici et là. Tout cela a été balayé, la politique internationale devenant brutalement conflictuelle, tout comme les situations nationales. Certes, il n'y a rien là de très nouveau, mais la priorité portée à la lutte contre le coronavirus fait que toutes les relations sont vues sous un autre angle par les politiciens. Comme souvent, les aventures externes ont servi, dans beaucoup de pays, de contrepoint aux difficultés intérieures. De plus, la carte économique du monde ayant été profondément modifiée par la récession dans les pays développés et par la baisse des cours des matières premières, les positionnements en terme de relations internationales, tant des grandes puissances que des petits acteurs, ont été bouleversés.

Conséquence de la mondialisation de l'action sanitaire, une nouvelle classification des pays en verts ou rouges s'est mise en place, un coloriage qui varie de semaine en semaine, mais dont la crédibilité ne dépend que de la qualité des statistiques publiées par ces pays, c'est tout dire. D'ailleurs, en ce qui concerne les migrations internationales, objets de cette classification, ce qui, selon moi, devrait être pris en compte est la santé des voyageurs et non la qualité de la santé dans le pays d'où ils viennent. D'autant plus que ce critère n'est pas totalement respecté, dans la mesure où les nationaux ont toujours le droit de rentrer dans leur pays, indépendamment de la région d'où ils viennent, ce qui fait que les multinationaux ne sont pas du tout soumis aux frontières sanitaires. De plus, ce critère entraîne des représailles plus politiques que sanitaires puisque la réciprocité, qui est souvent la règle, fait que des pays peuvent être bannis alors que leur situation sanitaire reste acceptable, ou inversement. Sans parler du règlement européen qui ignore souvent, avec des règles communautaires, que la situation des états-membres n'est pas du tout homogène.

La coopération sanitaire, qui s'est développée en ces temps de coronavirus, aurait du être un facteur de rapprochement des nations. Or elle a hypertrophié l'application du principe d'ingérence, chacun surveillant ce qui se passe chez les autres, une attitude compréhensible en période de pandémie, mais qui ouvre un peu plus la boite de Pandore. Ce thème du principe d’ingérence, vis à vis duquel je reste très méfiant, avait été l'un de mes grands axes de réflexion, mais ma réticence à ce sujet me semble assez peu partagée. Le fait est que, aujourd'hui, chacun se sent obligé d'intervenir partout, et impunément, ce qui ne fait que dégrader le climat des relations internationales. J'y reviendrais par la suite.

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16 novembre 2020 1 16 /11 /novembre /2020 05:34

Éclatements de la société

 

En conclusion de cette partie dédiée aux problèmes sociétaux liés à la crise du coronavirus, je voudrais revenir sur ce concept de destructions créatrices en soulignant à quel point le développement de la pandémie a précipité l'élargissement des fissures qui existaient dans notre société. Cet effet sur la société est d'autant plus profond que la crise semble s'installer dans la durée, avec des périodes d'amélioration et des rebonds spectaculaires. Cela ne nous interdit pas d'espérer que nous reviendrons rapidement à de nouveaux équilibres sociaux, fondateurs de comportements qui remettront du sens et du bonheur dans nos existences. Malheureusement, l'enseignement du passé nous montre que cela peut prendre du temps.

Le premier élément dont nous avons parlé est le travail et son corollaire le chômage. Toutes nos habitudes ont été bâties autour de l'activité humaine que le temps avait modelée, mais que la modernité nous demande de redéfinir. Si c'est la première fois dans l'histoire que l'on empêche sciemment les gens de travailler sans avoir d'alternative pour leurs revenus, il faut dire que la place de l'homme au travail dans la société de demain était déjà une question ouverte. Travailler moins parce qu'il n'y a de moins en moins d'activités nécessitant l'intervention humaine, ou travailler plus parce que l'amélioration des conditions de vie nous permet d'être actifs plus longtemps était un débat qui s'intensifiait. A la quantité de travail se rajoute maintenant la question des modalités de ce travail, du fait des nouvelles perspectives (en particulier le télétravail) qui se sont imposées. Le concept de temps de travail (la discussion sur les 35 heures en France ou similaire ailleurs devant être enterrée), le concept de relations de travail, le concept de performance, le concept de représentation syndicale. demandent à être repensés.

Le second élément est destruction des comptes publics, avec l'émergence de déficits nationaux monstrueux dont on imagine qu'ils ne seront jamais remboursés. Pour l'instant, il n'y a rien d'autre à faire, même si l'on pense que soutenir les structures sociales au delà de nos possibilités est un leurre. Mais il faudra bien, une fois toutes les lignes rouges franchies, retrouver de nouveaux équilibres pour ces comptes, ce qui signifie en particulier un redéploiement des dépenses sociales. Si on imagine mal demander aux familles de retourner vivre sur son lopin de terre, on voit encore moins comment maintenir une redistribution significative d'une richesse qui a fondu. Cette dernière affirmation peut paraître suspecte au vu de la croissance boursière qui défie la crise, mais je suppose que la bonne tenue de la bourse est due à toutes ces nouvelles liquidités injectées et qu'elle ne correspond en rien à la situation de l'économie réelle. Ce sera le défi majeur des années à venir.

Le troisième élément est l'avenir de la famille. Le coronavirus n'a pas produit ce problème. L'extinction en pratique du mariage religieux, la facilité pour les couples de se défaire et de se recomposer, le détachement des enfants du cercle familial, la normalisation des couples homosexuels, tout cela était antérieur. Le coronavirus n'a fait qu'acter que l'on pouvait être d'une même famille sans se voir autrement qu'en communication numérique. Du fait de la distance infranchissable de nos jours, cela fait des mois que je n'ai pas vu mes fils et petits fils, sans parler de frères ou cousins. Cela va laisser des traces, encourager des liaisons affectives hors de la famille. La base biblique et culturelle de la société fondée sur la famille est à reconsidérer.

Le quatrième élément est la dégradation des relations communautaires, que l'on peut relier au nouveau regard sur l'autre qui s'est établi. L'inactivité, l'inquiétude, les informations négatives favorisent des comportement de méfiance. Les difficultés économiques et sociales poussent les individus désespérés à la violence. Partout, sous le moindre prétexte, les antagonismes s'exacerbent. Cela mène à plus de nationalisme, plus de xénophobie, plus de racisme, plus de radicalisme qui s'expriment ouvertement. Recomposer notre société du vivre ensemble va prendre du temps.

Le cinquième élément est la banalisation des manifestations publiques en tous genres. Leur interdiction pour cause de coronavirus n'a fait qu'exacerber le désir des gens de sortir dans la rue, parce que s'exprimer sur les réseaux sociaux ne suffit plus à clamer leur colère. Et il y a un bon motif pour cela, c'est que cette crise a largement contribué à fragiliser la crédibilité des dirigeants, phénomène que l'on constate dans plusieurs pays, créant une légitimité pour toute manifestation. Il y a fort à parier que la majorité des dirigeants actuels ne seront pas réélus, et cela prendra du temps de recréer de nouveaux processus démocratiques stables.

Sur un fond d'angoisse sur ce qu'est l'homme et sur ce qu'est la société, tout ces éléments contribuent à une fracture croissante entre la rue et l'état, remettant en question les systèmes politiques. Nous y reviendrons par la suite.

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9 novembre 2020 1 09 /11 /novembre /2020 05:06

Fractures sociales

 

Toute société implique une dose de diversité – aux plans économiques, culturels, politiques. Les facteurs historiques, le brassage des populations et surtout le lissage du temps ont fait que les différents groupes se sont habitués à vivre ensemble. Qu'il y ait eu en permanence des tension sociales était normal et inévitable. Mais il me semble que la situation créée par la crise du coronavirus est particulièrement propice à la montée de nouveaux affrontements entre les différentes composantes de la société. Cela résulte en particulier d'un regard suspicieux nécessairement porté sur l'autre, qui est désormais évalué comme danger potentiel, et qui renforce les antagonismes existants.

Le grand rassembleur de la nation est la loi de l'état. On a fini par admettre que le meilleur garant de la paix intérieure était le respect de lois communes á ceux qui vivaient sous un même régime. Je me souviens de ce précepte talmudique que j'étudiais sans trop en comprendre comme aujourd'hui le sens profond ''La loi du gouvernement est une loi (au même titre qu'une loi rabbinique)''. Il faut beaucoup d'efforts aux croyants pour admettre ce principe, dont l'acceptation ne s'est pas faite sans mal. Mais les érudits décisionnaires ont bien du reconnaître, contre l'avis des extrémistes, qu'il n'y a pas de salut sans une autorité centrale qui gère la vie commune.

Le nouveau principe de précaution sanitaire, qui est venu s'imposer face à toutes les autres considérations traditionnelles, est venu briser ce consensus millénaire dans de nombreux pays. Diverses composantes de la société ont mis en cause les mesures sanitaires parce qu'elles s'opposaient à leurs intérêts corporatifs ou à leurs convictions. Le combat contre le coronavirus a donc été le révélateur de lignes rouges existant dans les sociétés, et dont l'effacement a provoqué des contestations parfois violentes.

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En cause, il y a le droit à la liberté, que toute personne revendique. C'est un principe fondamental, bien que complètement irréaliste si l'on y regarde bien. Si les hébreux fêtaient déjà la sortie d'Égypte ''une maison d'esclavage'', si la révolution française établissait ''Liberté, Égalité, Fraternité'', tous ces beaux concepts ne résistent pas à l'évidence de la vie. La liberté de chacun est toujours limitée par la force de celui qui est au dessus de lui, et par le même besoin de liberté de celui qui est à coté de lui. Les mesures sanitaires, par la limitation des libertés individuelles, a généré diverses situations conflictuelles, qui se sont parfois traduites par des violences.

Avant d'obliger au port du masque, les autorités avaient interdit le port du voile islamique et de la burqua. Cette mesure a été en son temps contestée par les intéressées au nom de la liberté. Elle se justifiait en particulier par le besoin sécuritaire de reconnaissance faciale (oublié aujourd'hui !). L'obligation de port de masque, justifiée par la précaution sanitaire est maintenant contestée par certains au nom de cette même liberté. Toutefois, la majorité des personnes pense que la privation de liberté est dans ce cas mineure face au danger, et qu'elle ne justifie pas de rébellion.

L'URSS limitait les déplacements avec un ''passeport intérieur'', ce que l'on considérait à l'Ouest comme une atteinte aux droits de l'homme. C'est l'une des premières chose que la perestroïka a supprimée au nom de la liberté. On y revient épisodiquement aujourd'hui, pour éviter une diffusion géographique du coronavirus, qui s'est tout de même produite. Cette limitation des déplacements avait été, dès le tout-début, instaurée par la Chine. Lors de cette période, pour voyager d'une ville à l'autre du pays, les voyageurs chinois devaient être munis d’un test sérologique et devaient être placés sous quarantaine pendant au moins quatorze jours. Tous les pays ne sont pas aussi autoritaires, cette mesure de limitation de la liberté de déplacement ne passerait pas partout, mais il faut reconnaître qu'elle a eu son effet positif là où elle a été adoptée.

Les travailleurs indépendants sont furieux. Ils ont voulu leur liberté personnelle, ils l'ont eue, mais ils ne peuvent pas travailler, c'est le cas en particulier des petits commerçants pris dans la tourmente du confinement. S'ils ouvrent leur échoppe, ils sont verbalisés même s'ils pensent qu'ils prennent toutes les précautions et que cela n'est vraiment pas dangereux. De plus, ils ont peur, tout au moins ceux qui sont concernés par cette nouvelles menace, de la fuite définitive de leur clientèle vers les sites de vente en ligne. Donc ils manifestent. En Europe, des rassemblements se sont tenus dans plusieurs grandes villes pour protester contre les mesures de restrictions à l'ouverture des commerces.

Tous ceux qui sont ainsi touchés dans leurs libertés considèrent que la loi n'est pas correcte et qu'ils sont des victimes, et que les efforts qu'ils font individuellement pour éviter la contagion ne sont pas reconnus. Dans beaucoup de pays, le gouvernement est vu comme un tyran administratif coupé du peuple. Le besoin de protection sanitaire peut être compris, l'abolition des libertés individuelles ne l'est pas aussi facilement.

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Traditionnellement, la société était partagée entre ''droite'' et ''gauche''. C'est une notion que l'on retrouve un peu partout, chaque parti politique portant des valeurs spécifiques que l'on arrivait à regrouper autour de ces deux tendances. La crise du coronavirus est venue apporter une belle confusion entre ces valeurs, le problème principal de la société n'étant plus ni économique, ni social, mais portant sur la réponse à donner à la situation sanitaire. Et dans ce domaine il n'y a plus de droite ni de gauche. De plus, un autre phénomène apparaît, la mise en cause de la légitimité de l'état à ordonner des attitudes qui vont contre les sentiments des citoyens.

La situation créée par le coronavirus entraîne nouvelle analyse du danger sanitaire, tant par les autorités que par les individus. Dans tous les camps il y a, relativement aux mesures décidées, des pour et des contre. Il faut dire que l'information a longtemps été insuffisante, qu'elle est difficile à décrypter pour la plupart des personnes (c'est le problème de la statistique) et qu'elle est facilement manipulable. Si la manipulation est culturelle dans certains pays, et surtout dans les nombreux pays qui n'ont pas de statistiques fiables, je n'ai aucune preuve qu'il y en ait dans les pays les plus développés. Mais cela fait partout partie du jeu politique, et je trouve assez curieux que, quelquefois, les chiffres de contamination montent lorsque les autorités veulent prendre des mesures restrictives et qu'ils baissent lorsqu'elles ont besoin de démontrer que leur action est efficace. Tout cela entraîne un beau scepticisme face aux décisions gouvernementales, propice à la contestation.

Le communautarisme n'est ni de droite ni de gauche. Certains groupes s'estiment visés lorsque la loi s'en prend à leurs coutumes, en particulier celles qui conduisent à des rassemblement. On peut décider de ne plus fêter pompeusement les anniversaires. Mais on n’arrêtera ni les mariages (bien que beaucoup se soient décalés dans l'attente de jours meilleurs) et encore moins les funérailles. Si dans ces deux cas les rassemblements sont culturels et doivent être évités, la population ne l'entend pas ainsi. Et lorsque l’extrémisme s'en mêle, le conflit prend une autre dimension. A New York, les juifs orthodoxes ont été pointés du doigt pour leurs cérémonies particulièrement peuplées, étant donné que chez eux la vie est nécessairement en commun. Le pays du melting pot pouvait l'admettre, l'urgence sanitaire crée une situation qui fait revenir sur ce point. Plus généralement, lorsque les lois de l'état et les désirs de certains groupes s'opposent, se créent des lignes de tension qui se traduisent par des manifestations. Les différences socio-culturelles deviennent alors des enjeux politiques, on en reparlera.

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